Henri Paumelle est psychanalyste, installé à Paris, auteur d'un ouvrage intitulé "Le rôle du corps en psychothérapie" paru aux éditions Dunod en 2001. Après avoir exploré diverses voies thérapeutiques de la psychanalyse aux thérapies émotionnelles, il s'est intéressé aux pratiques des tradi-praticiens et est allé lui-même expérimenter des rituels et thérapies traditionnelles au Pérou et au Gabon. Il poursuit ses recherches dans ce domaine en vue d'établir des liens entre la psychanalyse et les pratiques traditionnelles. Ayant connu plusieurs expériences d'E.C.M. au cours de sa vie et de ses recherches, il est très sensibilisé aux conséquences positives ou négatives de la traversée des N.D.E et des E.C.M. et à leur accompagnement.

Eléments pour une clinique du sens face aux expériences d'approche de la mort. Pour qu'un traumatisme initiatique ne se transforme pas en initiation traumatique

A observer le contexte dans lequel est expérimenté généralement une N.D.E, on serait en droit de se dire que tout individu dit "normalement constitué" est confronté là à une situation qui devrait être considérée, à priori, comme fortement traumatisante. De nombreux témoignages partent d'une situation d'extrême urgence où le sujet est confronté à une situation gravissime telle qu'un accident de la route (ou autre), un arrêt cardiaque, un coma, des processus de réanimations divers, des soins parfois douloureux et, bien sûr, en tout premier lieu, la situation considérée classiquement comme la plus inhérente à la genèse d'un traumatisme d'un point de vue psychopathologique : la confrontation avec l'approche de sa mort sans avoir aucun moyen de mettre un terme au processus et à sa cause présente. La pensée se trouve donc, théoriquement, face à l'impensable, l'organisme face à sa disparition. Il semble bien qu'il y ait, au départ, tous les ingrédients nécessaires réunis pour que se mette en place une situation classique de névrose traumatique. Or, mis à part les récits de N.D.E négatives, on constate qu'un grand nombre d'entre eux témoignent plutôt d'une expérience bienheureuse et transformatrice dans un sens positif. Voilà qui vient déjà signaler que la rencontre directe et lucide avec la mort n'est pas en soi automatiquement étiopathogène, parfois même, bien au contraire, elle peut s'avérer source d'une transformation intérieure très positive sur le plan psychique. De plus les sujets de retour de leur escapade vers l'au-delà ramènent fréquemment des témoignages dignes des plus beaux récits initiatiques dans la thématique de mort renaissance. Ceci dit, ne nous bornons pas à cette première impression. Le traumatisme n'est peut-être pas là où la psychopathologie classique voulait le trouver. Il convient de considérer l'ensemble de l'expérience. A vouloir retenir uniquement ce aspect merveilleux, et finalement rassurant d'un point de vue de mortel en sursis, nous risquerions de nous aveugler quelque peu car, à bien lire les témoignages, on remarque que, mis à part le côté merveilleux de nombreux récits de N.D.E, il y a tout de même quelques points qui témoignent de difficultés réelles et de séquelles parfois fortement invalidantes consécutives à l'expérience 1 . Ceci nous ramène à la notion de traumatisme en tant que choc psychique important pouvant entraîner des séquelles. Ainsi, nous chercherions le traumatisme dans les causes de la N.D.E que nous le trouverions, parfois, dans la N.D.E elle même. Ce n'est pas forcément dans l'approche de sa propre mort appréhendée comme une fin insoutenable mais plutôt dans l'expérience elle même de la N.D.E au delà de la mort apparente (parfois même cliniquement constatée), dans son contenu même, que résiderait le traumatisme dont on peut observer les conséquences dans des perturbations ultérieures dans la vie du sujet. En ce sens, même si je pense que la N.D.E n'est pas une expérience pathologique en elle-même, il s'avère qu'elle peut, par contre et accessoirement, s'avérer expérience pathogène, cause de troubles psychiques par sa puissance et la puissance des bouleversements qu'elle peut effectuer dans la structure profonde de la personnalité du sujet. Son impact sur la structure psycho corporelle peut être énorme, énormes ses difficultés d'intégration au cadre mental de sa personnalité, énorme aussi la choc du témoignage sur son environnement culturel et humain. Son intégration est loin d'aller de soi avec un bouleversement important des points de repères habituels du sujet.