JEAN PIERRE JOURDAN
La NDE et l'OBE


Le Dr Jean-Pierre Jourdan a étudié ces expériences qui regroupent aussi bien des expériences contemporaines que des techniques décrites depuis des millénaires par d'autres cultures et qui peuvent être classées en deux catégories :
- Dans la première catégorie, les expériences spontanées dont font partie les NDEs et où l'on retrouve aussi les OBEs (out-of-body experience) au cours desquelles une personne se perçoit comme étant à l'extérieur et à distance de son corps physique. On trouve aussi dans cette première catégorie les expériences mystiques et religieuses.
- La deuxième catégorie concerne les expériences provoquées ou recherchées, soit par différentes techniques de relaxation (utilisant par exemple la maîtrise de la respiration ou l'isolement sensoriel) ainsi que par le neurobiofeedback qui peuvent aider à vivre une OBE, soit par des techniques physiques et/ou spirituelles comme le yoga ou la méditation transcendantale, qui peuvent conduire à ce qu'on appelle un "réveil de kundalini". La kundalini est dans la tradition hindoue une "énergie ou force évolutive" symbolisée par un serpent lové à la base de la colonne vertébrale, dont l'éveil puis l'ascension va ouvrir les différents centres énergétiques appelés chakras, puis, atteignant le dernier au sommet du crâne, éveillera la conscience à une réalité supérieure. Cet éveil qui peut se faire sur des mois ou des années est accompagné de symptômes physiques et psychiques ainsi que de conséquences étonnamment similaires à ceux rapportés par les témoins de NDEs.
En dehors de la tradition hindoue, de nombreuses autres traditions semblent posséder ainsi leur propre technique, élaborée de manière empirique, permettant d'accéder à un état de conscience particulier, et qui, quelle que soit la méthode utilisée, présente toujours de grandes similitudes avec les NDEs. Ainsi, il existe beaucoup d'états modifiés de conscience, spontanés ou recherchés, possédant de nombreux points communs avec les NDEs, tant au niveau du déroulement de l'expérience qu'au niveau de ses répercussions ou de ses effets à long terme sur les témoins, et tous semblent conduire à une transformation allant dans le sens d'une évolution personnelle. La sensation de faire partie d'un Tout, une conscience élargie, ainsi que l'apparition de facultés psychiques extraordinaires sont couramment décrites à la suite de ces expériences.
En essayant d'établir un parallèle entre ces techniques et les expériences de Penfield ou celles vécues sous kétamine, le Dr Jourdan aboutit à une hypothèse complexe et intéressante. L'hippocampe apparaît alors comme la cible commune à tous ces chemins d'accès à un autre état de conscience qui permettraient d'isoler et de libérer la conscience du flux d'information dont les organes des sens la saturent constamment, lui permettant d'accéder à un autre niveau de perception. Cette précision quant aux circonstances où surviennent de telles expériences est importante car, vu sous cet angle, les expériences de mort imminente pourraient être en fait interprétées comme des expériences de "vie imminente", c'est-à-dire des circonstances particulières au cours desquelles se produirait plus facilement la libération d'un formidable potentiel de l'esprit humain, insoupçonné mais à la portée de tout un chacun à n'importe quel moment de sa vie. D'autre part, l'étude de ces états de conscience particuliers associés à des techniques très bien codifiées pourrait être plus facile que l'étude des états associés aux NDEs pour lesquels nous n'avons pour l'instant que des témoignages à posteriori.
Comme le suggère le Dr Jourdan, étudier ces techniques ancestrales avec nos connaissances actuelles pourrait peut-être permettre d'en comprendre les mécanismes neuro- et psychophysiologiques sous-jacents. ( Dr Jourdan, 1992) .
http://www.outre-vie.com/vieapresvie/insolite.htm
http://www.outre-vie.com/index.htm
*Mes remerciements à Xourim et "Outre-vie" de m'avoir autorisé à publier cet extrait  ci-dessus de leur site <OUTRE-VIE>

****************

Expériences de Mort Imminente et Expériences Transcendantes.
Corrélations et hypothèses neurophysiologiques.

Dr.J-P Jourdan

Article publié dans l'ouvrage collectif : Le processus de guérison : par delà la souffrance ou la mort, sous la direction de Luc Bessette, Ed. MNH, Canada 1993. Paru aux Etats-Unis (en anglais) dans le Journal of Near Death Studies, vol 12, n°3, Spring 1994.
Leur survenue à l'approche de la mort laisse penser au grand public que l'on va, en étudiant les NDE, avoir la réponse à la question de la survie. Mais ceci a pour résultat de masquer un fait essentiel: Si les NDE se produisent dans des circonstances particulières, impliquant le plus souvent une atteinte physiologique (NDE "classique"), et au minimum un stress psychologique ("Fear Death Experience") , des expériences tout à fait semblables surviennent , en dehors de tout risque vital, soit spontanément , soit parce qu'elles sont recherchées et provoquées par diverses techniques que l'on peut qualifier de psychophysiologiques, dans un contexte le plus souvent mystique.
Ces expériences peuvent être comparées au niveau de leur déroulement (certaines, hormis les circonstances , sont strictement identiques à des NDE), mais aussi au niveau de leurs effets à long terme . Aussi dérangeantes que soient ces répercussions, elles ont une existence, ne serait-ce que parce que les témoins les rapportent. Aucune étude sérieuse ne peut se permettre de les éluder.
La question est donc simple : Ou l'on décide arbitrairement que tous ceux (y compris donc les plus grandes figures spirituelles) qui ont vécu de telles expériences ont été victimes d'hallucinations à la limite du pathologique, et le problème est résolu, ou, avec un minimum de curiosité, on se dit que tous ces récits sont suffisamment proches et consistants pour mériter une étude plus approfondie..
Dans la mesure où la phénoménologie des NDE est maintenant bien connue, nous allons voir seulement quelques extraits de témoignages français, concernant essentiellement les "effets à long terme". La conception de la vie, le sens des valeurs, le comportement des témoins sont profondément modifiés après une telle expérience. Quelques citations seront plus parlantes qu'une longue explication.
D'abord, quelques "impressions de voyage":
Un témoin parle de " la part de divin qui est en nous "; elle a l'impression que "dans cette réalité on ne vit qu'à moitié, alors que la réalité se situe après la mort.." , qu'elle définit comme "une naissance à un autre plan, un réveil" . Une autre déclare :"en chaque être humain il existe l'étincelle divine" , et pour elle la réalité terrestre est illusion, car nous n'avons pas ici bas les réelles données pour comprendre le sens de la vie.. ".. J'ai eu l'impression que mon corps faisait partie de la terre, de l'eau, du ciel,des étoiles, des cailloux, j'étais moi-même sans doute, et puis surtout j'étais le tout, c'est difficile à expliquer,..ce faisant, j'étais...je ne peux pas dire ni que ce fût de la joie, ni de l'allégresse, c'était une forme de bien être que je ne pouvais même pas mettre en parallèle avec la béatitude que, du reste, je ne connais même pas".."Je n'ai pas vu de personnage au bout du tunnel, c'était l'infini" , et à propos de l'être humain: "il est tout petit, mais il contient tout, à nous de traverser nos couches et d'aller à l'essentiel, mais peut-on l'exprimer avec des mots?" .. Un témoin parle de "la plongée dans l'amour infini, cette paix, cette sensation d'amour infini, d'atteindre l'absolu vers lequel vous tendiez, et la lumière merveilleuse et chaude dans laquelle (elle s'est) baignée.
Il ne faut pas oublier que ces expériences sont, de l'avis unanime, très difficile à faire comprendre à qui n'a jamais rien connu de similaire, et, même dans ce dernier cas, les concepts manquent et les mots sont bien pâles et insuffisants. Un témoin, par exemple, avoue:
"je n'ai parlé à personne de mon expérience pendant longtemps, pour différentes raisons; d'abord je ne voulais pas mettre de mots dessus, parce que j'avais l'impression d'en enlever, enlever de là cette splendeur, en fait, parce que c'était... c'était impossible à mettre en mots ,ce n'était pas la peine que j'en parle, parce que de toute façon ç'aurait été compris de travers, c'est très très douloureux de porter ça et de ne pas en parler".
Essayez donc de traduire avec des mots une symphonie, pourtant bien terrestre, et de décrire les émotions que vous avez éprouvées en l'écoutant, que va-t-il en rester?.
Durant une NDE, il semble qu'un accès soit ouvert vers un état de conscience différent, dans lequel une réalité plus vaste , transcendant le temps, l'espace et la matière, englobe la réalité ordinaire. Et apparemment, cet accès ne se referme pas totalement après l'expérience.. Il semble, comme le formule si bien K.Ring, qu'une semence ait été plantée, libre de germer ou non avec le temps. Quelques citations donnent une idée de ce qu'elle pourrait être:
" ma sensibilité s'est développée, rêves prémonitoires parfois, télépathie très souvent. Je décide d'appeler ma mère ou ma fille, ou je pense qu'elles vont m'appeler,et dans les cinq minutes j'ai un coup de fil; après mon expérience j'ai fait plusieurs sorties hors du corps.."..."... sensibilité plus développée, possibilités télépathiques, et grande facilité pour la décorporation, possibilité de soigner et d'aider les autres"." La sensibilité est plus grande, j'apprends plus vite, je me concentre mieux, j'ai plus de mémoire et de dons psychiques mais surtout je cherche à m'incarner et à ne plus me dédoubler; c'est dans et à travers le corps que l'expérience de la vie se déroule et nulle part ailleurs.."
La NDE semble, en donnant à la conscience la possibilité d'avoir des liens moins étroits avec le corps, être à l'origine d'OBE (Out of Body Experience, en français expérience hors du corps) fréquentes, comme encore chez ce témoin qui, cloué au lit après un grave accident,vivait une OBE presque toutes les nuits. Pendant ces expériences, il avait la sensation d'une identification totale à ce sur quoi se portait son attention (si dans une forêt il s'intéressait à un arbre, il devenait cet arbre,,ses feuilles, ses racines, son histoire.Chez un autre se produisaient des "décorporations de nuit (en sommeil conscient), ce qui me permettait d'aller aider des mourants dans le monde à sortir de leur corps sans peur" .
Ces capacités sont parfois un fardeau, car il semble que les phénomènes de précognition concernent le plus souvent des évènements à forte charge émotionnelle. Le futur n'est pas toujours souriant, et même si pour eux la mort ne représente que l'abandon d'un corps usagé, certains témoins se passeraient volontiers de voir à l'avance le décès de leurs proches. Par exemple :"je me suis rapidement rendu compte, dans les mois qui ont suivi cette expérience, que je rencontrais des gens et que je savais combien de temps il leur restait à vivre sur cette terre et, croyez moi, ce n'est pas confortable du tout" .
Un autre aspect est nettement plus souriant, plus fréquent aussi: de nombreux témoins s'aperçoivent qu'ils ont la possibilité d'aider et de soigner leurs semblables( l'altruisme et la compassion sont des leitmotive dans les témoignages) :"je développe de plus en plus le fait que je suis un canal de guérison, que l'énergie divine de guérison passe à travers le canal que je suis" .
Les techniques employées sont diverses( imposition des mains, impression d'agir sur le "corps subtil", techniques chamaniques et psychothérapies "sauvages"-mais efficaces-, accompagnement des mourants, etc..)
Nombreux sont aussi les témoins faisant état de synchronicités à la suite de leur expérience (Jung définit ainsi ce concept:"La synchronicité signifie d'abord la simultanéité d'un certain état psychique avec un ou plusieurs évènements extérieurs qui apparaissent comme des éléments parallèles signifiants par rapport à l'état subjectif du moment et -éventuellement- vice versa").
Quiconque a un peu étudié les traditions mystiques retrouvera là bon nombre de caractéristiques que l'on rencontre dans les relations d'expériences transcendantes et dans leurs suites, qu'elles soient survenues en Orient ou en Occident, de nos jours comme il y a mille ans .
On trouve des relations d'expériences tout à fait similaires dans toutes les traditions ( tao, yoga, zen, soufisme, gnosticisme, chamanisme, hesychasme,! Kung, etc) et même hors de toutes traditions mystiques, (sondage dans les universités : 30 à 40 % des étudiants ont eu au moins une OBE spontanée, dont certaines ont un contenu pour le moins similaire aux NDE) .
Mais si toutes les traditions font référence à cet éveil à une conscience plus élevée, une l'a particulièrement codifié, et a aussi codifié les techniques permettant de l'atteindre . Il existe dans la tradition hindoue une "énergie",une force évolutrice, symbolisée par un serpent lové à la base de la colonne vertébrale, dont l'éveil puis l'ascension ouvrent d'abord des centres appelés Chakras (ils sont 6 ou7 selon les sources, répartis le long de l'axe du corps); puis, ayant atteint le dernier,situé au sommet du crâne, ils éveillent la conscience à une réalité supérieure (Jung fait ici aussi figure de précurseur, puisqu'il avait organisé, en 1932, un séminaire sur la Kundalini!).
Voici ce qu'en dit Lilian Silburn (29) :" La Kundalini,cet axe dressé au centre même de la personne et de l'univers, est à l'origine de la puissance de l'homme dont elle draine et épanouit la totalité des énergies. Mais plutôt que sue les pouvoirs extraordinaires acquis par son intermédiaire, les partisans des systèmes(....) mettent l'accent sur l'apaisement et l'harmonie vivante qu'elle confère. L'énergie mystérieuse qu'éveille le yoga de la Kundalini se révèle cependant d'une violence inouïe et ne peut être manipulée sans faire encourir un réel danger."
Pour Tara Michael (19) :"Quand Kundalini dort dans le muladhara ( le premier et le plus bas situé des chakras), l'homme est éveillé au monde. Mais quand elle s'éveille pour s'unir à Siva, l'homme s'endort au monde et ne fait plus qu'un avec la conscience infinie au delà des formes".
Il est facile d'effectuer un rapprochement entre l'apaisement dont parle Lilian Silburn et les récits de témoins de NDE, et "ne faire plus qu'un avec la conscience infinie" est une impression pour le moins fréquemment rapportée (même si elle est difficilement descriptible). Les changements à long terme que l'on retrouve chez les personnes ayant vécu une NDE font précisément partie, sinon des buts, du moins des étapes que l'on rencontre dans le yoga, quand aux Siddhis(pouvoirs) que l'éveil de Kundalini est censé conférer (et à l'encontre desquels les mises en garde ne manquent pas!) , il s'agit très exactement de ceux que présentent de façon spontanée de nombreux témoins(accès à des modes d'information transcendant le temps (précognition), l'espace (télépathie, clairvoyance, OBE), la matière (dons de guérison, psychokinèse), etc.. Quand au danger, nous verrons que certaines expériences sont particulièrement perturbantes, physiquement et psychologiquement.
Le rapprochement entre les NDE et le concept d'éveil de Kundalini a déjà été fait par Kenneth Ring, qui le développe dans un ouvrage passionnant (27) , et les phénomènes physiques, psychologiques,et sensoriels en relation avec ce phénomène ont été étudiés par Lee Sanella (28) , I. Bentov (1) et H. Motoyama (21) . Bentov propose en outre un modèle explicatif.
L'une des caractéristiques de ce phénomène est qu'il est accompagné d'une cohorte de symptômes divers, sensitifs, sensoriels, psychologiques, moteurs. Il se trouve que si la tradition yogique l'a codifié et caractérisé, on s'aperçoit que cet ensemble d'effets "latéraux" est présent dans un bon nombre de relations d'expériences liées à la transcendance, un peu partout dans le monde et à toutes les époques. Il semble donc y avoir un phénomène universel, produisant un ensemble d'expériences que l' homme a de tous temps connu et recherché dans le but de transcender sa condition ordinaire.
Pour essayer de comprendre ce qui se produit, voici deux exemples parmi les plus connus:
Gopi Krishna, un brahmane hindou ayant reçu un enseignement occidental, n'avait rien d'un mystique. La pratique régulière de la méditation était le seul lien qu'il avait gardé avec la tradition hindoue. Un matin, alors qu'il méditait sur un lotus lumineux au sommet se son crâne, il perçut une sensation étrange mais plaisante à la base de la colonne vertébrale, sensation qui disparaissait et revenait avec les fluctuations de l'attention qu'il y portait. Reprenant sa concentration avec la détermination de ne pas s'en laisser distraire, il perçut à nouveau la même sensation s'étendant vers le haut ." Brusquement, raconte-t-il,, avec un rugissement semblable à celui d'une cataracte, je sentis un flot de lumière liquide envahissant mon cerveau par la colonne vertébrale...L'illumination se fit de plus en plus éclatante, le rugissement plus fort, j'eus une sensation d'oscillation, d'ébranlement, et tout à coup je me sentis glisser hors de mon corps, entièrement entouré d'un halo de lumière, simultanément conscient et pleinement présent en chaque point.... baigné dans la lumière et dans un état d'exaltation impossible à décrire" ... Ce n'était que le début d'une expérience qui allait durer des années, des moments d'exaltation alternant avec des périodes de doute et de dépression qu'il raconte et développe dans plusieurs ouvrages.. (13)
Hiroshi Motoyama, un scientifique japonais, décrit son expérience survenue à la suite de pratiques de yoga et de pranayama (techniques respiratoires) pendant plusieurs mois :" ..continuant ma pratique, je commençai à remarquer des sensations nouvelles. Des fourmillements au niveau du coccyx, des picotements au niveau du front et du sommet du crâne, une sensation de chaleur dans le bas ventre. Je percevais un son , comme un bourdonnement d'abeilles, au niveau du coccyx. Dans la vie de tous les jours mon sens olfactif devint si sensible que je ne pouvais supporter la moindre mauvaise odeur"..."
"Cela continua durant deux ou trois mois. Un jour, alors que je meditais devant l'autel comme d'habitude, j'eus une sensation de chaleur particulièrement forte dans la région du bas-ventre... soudain, une énergie incroyable se précipita à travers la colonne vertébrale jusqu'au sommet de ma tête, et, bien que celà n'ait duré qu'une seconde ou deux, mon corps lévita à quelques centimètres du sol. J'étais terrifié, mon corps entier était brûlant, et des maux de tête atroces m'empéchèrent de faire quoique ce soit de la journée".
Quelques mois plus tard, il commença à avoir des rêves prémonitoires, de fréquentes expériences extrasensorielles (télépathie) se produisirent. Ses souhaits semblèrent commencer à se réaliser spontanément. A ces talents vinrent s'ajouter des phénomènes de clairvoyance s'accentuant avec l'éveil progressif des différents chakras . Quelque temps après, raconte t'il, "je vis une sorte de chaleur-énergie montant du coccyx jusqu'au coeur le long de la colonne vertébrale (...) La kundalini continuant son chemin, du coeur jusqu'à la tête (...), je quittai mon corps par le sommet du crâne, et je gagnai une dimension supérieure (...). Je possède depuis un don de guérison" . Dans le même temps, il subit de profonds changements sur le plan psychologique, perdant en particulier tout attachement aux biens matériels.. Avec l'éveil d'un autre chakra (Visuddha chakra, perçu au niveau de la gorge), il devint capable, dit il, de voir le passé, le présent et le futur "dans la même dimension".
Ces deux expériences ont bien des points communs, et on retrouve des conceptions identiques dans d'autres traditions, ce qui semble impliquer l'existence d'un phénomène plus ou moins universel, interprété à sa façon par chaque tradition:
On trouve dans le Livre des Morts égyptien un "symbole du fluide vital , du serpent de feu qui se trouve dans l'épine dorsale. C'est ce fluide qui est le souffle de la vie que le prêtre transmet en imposant ses mains sur la nuque du défunt que l'on veut réchauffer et recouvrir de la chaleur d' Isis". Le serpent est dans cette tradition le symbole de l'éternité et de la réincarnation, et est censé permettre l'acquisition de pouvoirs magiques.
Pour les taoïstes chinois, "l'énergie ne fait pas que circuler dans les méridiens: elle se concentre dans certaines zones reliées par des forces: les trois "champs de cinabre"... Le champ de cinabre supérieur prend naissance au niveau du point curieux Inn Trang (entre les deux sourcils).. Le champ de cinabre moyen , ou "Palais écarlate ", se situe sur la poitrine. Le coeur en forme le centre. Il sert de moteur à la circulation des énergies. Le champ de cinabre inférieur, troisième centre énergétique, (..) se projette à trois travers de doigts au dessus du nombril. La maitrise des respirations permet d'espérer atteindre la transmutation de l'énergie mentale en un élixir d'or s'écoulant goutte à goutte par le canal médian et se mêlant à l'énergie ancestrale et au Ki. En une gerbe flamboyante, la substance née de la fusion du Ki, de l'énergie ancestrale et de l'énergie mentale, s'élevant par le canal central jusqu'au creuset supérieur, brise l'orbite universelle du Tao en une floraison d'or, d'argent, de soleil et de lune".
Un anthropologue, Richard Katz, a étudié une peuplade vivant dans le désert du Kalahari, les !Kung (! et / correspondent à des phonèmes particuliers à leur langue). Cette tribu pratique un rituel semblant avoir de nombreux points communs avec ce que nous venons de voir: celui ci a pour but d'éveiller, d'enflammer le "N/um" afin d'atteindre un état nommé !Kia, dans lequel des possibilités extraordinaires apparaissent, en particulier pouvoirs de guérison, vision à distance, marche sur le feu, etc..
Le N/um est dit résider dans le creux de l'estomac; une fois réveillé, il monte depuis la base de la colonne vertébrale jusqu'au crâne, permettant alors d'atteindre l'état !Kia : "vous sentez quelque chose d'effilé dans votre colonne vertébrale, qui monte progressivement... puis la base de votre colonne se met à fourmiller, fourmiller, fourmiller,...alors dans votre tête vos pensées ne sont plus rien"... Comment ce phénomène est il provoqué? "Vous dansez, dansez, dansez, puis N/um vous soulève dans votre ventre, et vous soulève dans votre dos, et vous commencez à frissonner... N/um vous fait trembler, il est chaud. Vos yeux sont ouverts, mais vous ne regardez pas autour de vous. Votre regard reste tranquille et vous regardez droit devant. Mais quand vous êtes dans l'état !Kia, vous regardez autour de vous, parce que vous voyez tout, parce que vous voyez les problèmes de tout le monde... Une respiration rapide et superficielle, voilà ce qui fait redresser N/um... puis N/um se répand dans tout votre corps, du bout des pieds jusqu'aux cheveux."
Lee Sannella, psychiatre, est reconnu comme l'un des spécialistes de ces phénomènes. Il a réuni dans un ouvrage (28) de nombreux témoignages similaires à ce que nous venons de voir, mais qui concernent, eux, des expériences contemporaines. Des personnes ayant vécu une NDE décrivent les mêmes symptômes, suivis des mêmes conséquences (Barbara HARRIS a détaillé son expériencedans un livre (10) et son cas est étudié en détail par k.RING (27)
I.BENTOV et L.SANNELLA ont regroupé les symptômes survenant lors de la progression de ces expériences sous le nom de Physio-Kundalini. On peut les classer sous trois rubriques:

* -Symptômes sensoriels: fourmillements, vibrations ou sensation d'"énergie" localisés puis montant le long de la colonne vertébrale, redescendant ensuite dans la poitrine et l'abdomen, sensations orgasmiques(purement sexuelles ou se répendant parfois dans tout le corps), douleurs débutant et cessant brutalement,sensations de froid ou de chaleur dans diverses parties du corps, perception de sons divers, de lumière intérieure illuminant parfois le corps.

* -Symptômes moteurs: mouvements spontanés des mains et du corps,contractions involontaires(anus, abdomen, gorge) , altérations du rythme respiratoire, blocage ou paralysie soudaine de certaines parties du corps.

* -Symptômes psychologiques: joie ou extase soudaine, accès d'anxiété ou de dépression,, accélération de la pensée, expansion de la conscience au-delà des limites corporelles.

Voici, afin d'essayer de comprendre ce qui peut se passer, un premier indice: la plupart des techniques utilisées semblent avoir pour but de déconnecter la conscience des stimuli extérieurs et des émotions, soit en la concentrant sur un point : méditation sur un objet, un concept, un son, une posture.., soit récitation d'un mantra, d'une prière ; soit par la contemplation (plusieurs expériences spontanées sont survenues en occident chez des laïcs, lors de la contemplation d'un paysage, de la mer, etc.)ou la relaxation profonde.
Mais il existe un fonds commun, retrouvé à peu près partout, c'est l'utilisation de la respiration avec d'abord une notion essentielle , que l'on retrouve de façon explicite: l'équation conscience <=> souffle
En voici quelques exemples:

Pour commencer, voici un texte taoiste, "Le secret de la fleur d'or" (14) ; pour le comprendre, on doit savoir deux choses:
* -en Chinois, le même idéogramme possède simultanément les significations de "coeur" et de "conscience".
* -cet idéogramme est lui même incorporé dans celui qui signifie "respiration".

"..la respiration vient de la conscience/coeur. Ce qui sort de cette conscience/coeur est la respiration .....puisque la conscience et la respiration dépendent l'une de l'autre, on doit unir la révolution de la lumière à un rythme donné à la respiration,.." .. "les grands saints, qui ont reconnu comment la conscience/coeur et l'énergie respiratoire s'influencent mutuellement, ont mis au point une méthode ..."

Dans le Hathayoga Pradîpika : "lorsque le souffle se meut, l'esprit aussi ; quand le souffle arrête son mouvement, l'esprit devient immobile".

Dans le yoga tibétain (7): "..en vertu de ces pratiques, cette chose appelée l'esprit - si difficile à contrôler, à cause de son incapacité normale de fonctionner en dehors du processus de respiration qui est la cause des élans constants d'une pensée à l'autre - se discipline et se libère de cette dépendance avec la respiration".., avec pour commentaire : " la durée d'une pensée égale la durée d'une respiration...le but de ces exercices est d'entrainer l'esprit à fonctionner indépendamment de la respiration et ainsi n'être plus influencé par le processus de pensée. Les concepts s'élèvent dans l'esprit à cause des stimuli. Il faut neutraliser les stimuli , et le processus de pensée disparait, l'esprit atteint alors son état naturel". .

Dans le Vijnanabhairavatantra (29) : ".. lorsqu'on fait échec au flot tout entier des activités sensorielles au moyen de l'énergie du souffle qui s'élève peu à peu ...."

On retrouve (5) chez les moines du mont Athos une technique d'oraison, l'Hésychasme, qui consistait en une maitrise du souffle et en la répétition des mots "Kyrie Eleison".

Chez les !Kung : "une respiration superficielle et rapide, voila ce qui fait dresser N/UM" ..

De nombreuses techniques chamaniques reposent sur le souffle (6) , on retrouve la même observation chez les médiums célèbres, qui semblent avoir trouvé là un mécanisme facilitant leurs exploits : Eileen GARRET, par exemple (9) :

.. ."c'est par la respiration, et la respiration seulement, qu'il m'est possible de m'élever au dessus de ma condition de tous les jours et de devenir clairvoyante. Quand j'entre en contact avec quelqu'un qui a besoin de mon aide, je renifle son atmosphère, réellement, avec une compréhension animale. Je pense qu'une bonne partie de ma clairvoyance pourrait être dûe à une faculté primitive oubliée. Je fais exactement ce que fait un chien quand il sent l'odeur d'un lapin..."
Dans tous les cas, il s'agit bien de rythmer le souffle, soit en le ralentissant, parfois jusqu'à l'apnée, soit en l'accélérant. Les états atteints par ces techniques vont de la transe plus ou moins complète jusqu'à la perte totale du contact avec la réalité, induisant alors, d'après la tradition un état qui peut indduire une expérience transcendante.
Afin d'en dégager les caractéristiques essentielles, je propose tout d'abord de regrouper toutes ces expériences, similaires par leurs caractéristiques essentielles, en évitant de les classer en fonction des circonstances de survenue.
On pourrait appeler ENO (Expérience Non Ordinaire), les expériences comprenant :
* -persistance de la conscience et de la mémorisation
* -sentiment de réalité
* combinés avec au moins l'un des points suivants : -sentiment de béatitude
* -impression de sortie du corps
* -transcendance du temps et /ou de l'espace
* -perceptions par des canaux inhabituels, différents des sens ordinaires
* -perceptions sous formes différentes :
* vision panoramique
* fusion/identification avec l'objet ou le phénomène observé
* perception et compréhension non verbale
* -accès vérifié à une information impossible à obtenir par les moyens habituels et dans les circonstances de l'expérience
* -perception ou participation à un évènement transcendant de nature spirituelle ou mystique.
* -effets "secondaires" : restructurants, thérapeutiques ou évolutifs
* acquisition de capacités dites "psi", ou thérapeutiques
Restons en là pour l'instant et voyons quelques bases pour pouvoir réfléchir là- dessus.

Organisation des perceptions: (26,16)

Il faut d'abord considérer séparément les informations olfactives, qui sont traitées différemment des autres. En effet, elles sont adressées directement aux aires corticales olfactives qui, appartenant anatomiquement au système limbique (apparu dans la phylogénèse avant le néocortex), ont été au cours de l'évolution refoulées au centre du cerveau.
L'aire olfactive primaire est le cortex pré-piriforme, le gyrus parahippocampique ou cortex entorhinal étant considéré comme l'aire olfactive secondaire.
Les informations visuelles, auditives et tactiles en provenance des organes sensoriels passent, elles, d'abord par un relais (centres genouillés thalamiques) qui est responsable d'une réaction d'orientation et d'une focalisation de l'attention sur le champ correspondant à "ce qui est nouveau" dans l'environnement (permet le passage automatique de l'attention diffuse à une attention focalisée.
Ces informations passent ensuite aux cortex spécifiques de chaque organe sensoriel, où elles sont analysées et où se fait la relation entre les deux hémisphères cérébraux. Ces informations une fois traitées, sont adressées aux aires associatives , où elles sont intégrées et mises en relation entre elles.
Arrivées à ce stade, les perceptions sont modulées sur le plan affectif et émotionnel par des projections au niveau du cortex limbique.
Nous en sommes pour l'instant à une série de représentations globales mais instantanées du monde extérieur . Les paquets perceptifs "instantanés" doivent être liés entre eux dans le temps, pour être interprétés dans un contexte temporel (passage d'une perception spatiale à une perception spatio-temporelle). Les influx en provenance des aires associatives sont donc ensuite adressés, via le cortex entorhinal, à l'hippocampe où l' on trouve une "mémoire de travail" qui garde stockées les perceptions précédentes et les lie avec les dernières arrivées. Les informations y sont reliées temporellement (on passe de l'instant au présent) puis renvoyées vers le néocortex. Il y a donc à ce niveau un circuit pourvu de boucles de rétroaction qui retraite en permanence l'ensemble des perceptions.
Pour A. REMOND, l'hippocampe est le "lieu de la perception consciente au présent".
L'information ainsi traitée est ensuite renvoyée vers les structures du néocortex (cortex temporo- pariétal et cortex fronto-temporal) où s'effectuent intégration sémantique et cognitive.
P.L.T., Rythme thêta hippocampique et comportements essentiels pour la survie : (32,33)
Cherchant à comprendre les phénomènes impliqués dans l'apprentissage et le développement cérébral, Donald Hebb proposait en 1949 que l'activité neuronale puisse être responsable de modifications des connexions synaptiques (si un neurone en stimule un autre fréquemment ou de façon constante, des modifications structurales ou métaboliques des deux cellules ou de l'une d'entre elles pourraient renforcer leurs connexions).
A cette époque, cette hypothèse était invérifiable, mais en 1966, Terje Lomo, à Oslo, découvrit la Potentialisation à Long Terme, une facilitation de la transmission synaptique par laquelle, s'ils sont soumis à des combinaisons particulières d'influx nerveux, certains neurones subissent des modifications durables et parfois définitives.
Ce phénomène se produit, chez les mammifères, essentiellement au niveau de l'hippocampe. Cette zone est impliquée dans les phénomènes de mémorisation et d'apprentissage, permis précisément par l'existence de la P.L.T. Une activité electrique particulière (aux alentours de 4-7 Hz) appelée rythme thêta est au moins l'un des facteurs de ce phénomène dans la mesure où il est susceptible d'activer les récepteurs NMDA, qui sont les sites initiateurs de la PLT. Ceci a été mis en évidence (23) par le fait que des trains d'impulsions à haute fréquence synchrones et en phase avec les pics positifs de l'onde thêta, appliquées dans certaines régions de l'hippocampe favorisent la PLT, alors que s'ils sont appliqués en opposition de phase ils inhibent ce phénomène.
Jonathan Winson a publié en 1977 un 1er article où il rend compte du fait que la transmission neuronale au niveau de l'hippocampe est dépendante du comportement ( il comparait le sommeil à ondes lentes, le sommeil à mouvements oculaires rapides (sommeil paradoxal) et l'état d'éveil alerte immobile). Le rythme thêta hippocampique est lié chez les mammifères aux relations avec l'environnement qui sont essentielles pour leur survie, contrairement aux comportements génétiquement programmés, comme l'accouplement ou l'alimentation, durant lesquels on ne le retrouve pas . Il apparait chez le chat dans les comportements de prédation, chez le rat dans les comportements d'exploration, chez le lapin s'il appréhende la présence d'un prédateur.. Sa fréquence est synchrone des manifestations physiques de de ce comportement, c'est à dire mouvements respiratoires (reniflement), mouvement des vibrisses (moustaches) , etc.
Son rôle semble être de synchroniser le traitement des informations sensorielles lors de ces comportements essentiels : par exemple chez le rat explorant son environnement, les messages olfactifs et ceux provenant des vibrisses convergent en même temps que les autres messages sensoriels , via le cortex entorhinal , vers l'hippocampe où ils sont traités par paquets, découpés toutes les 200 ms par le rythme thêta.
Pour J. Winson (32) "On peut supposer que pour des animaux comme le rat, qui font grand usage de l'olfaction, il soit important que toutes les informations sensorielles, tactiles en provenance des vibrisse, (moustaches), visuelles et auditives soient coordonnées avec l'inhalation cyclique des odeurs. En ce sens, le cortex entorhinal, l'hippocampe et le reste du cortex limbique pourraient traiter toutes les informations sensorielles de conserve avec les perceptions olfactives -un évènement est lié à son odeur-" .
A mon avis, bien que je sois peu qualifié pour en juger, il pourrait aussi s'agir de l'équivalent, pour l'olfaction, de la réaction d'orientation thalamique , qui, nous l'avons vu, ne concerne que les perceptions auditives, visuelles et tactiles.
Les messages olfactifs concernant des informations vitales pour les mammifères inférieurs, le rythme thêta serait alors en quelque sorte un signal de priorité , les informations arrivant de façon synchrone avec les pics positifs étant considérées comme vitales, et donc traitées et mémorisées en conséquence..
Le rythme thêta peut être aussi influencé par une stimulation labyrinthique (COSTIN et al.): ".. chez l'animal (un lapin) éveillé et au repos, une accélération angulaire provoque l'apparition d'un rythme thêta hippocampique hypersynchrone et de haute amplitude.." .

Thêta et rêves:

Le rythme thêta n'apparait pas uniquement durant les comportements que nous venons de voir. Il survient aussi pendant la phase paradoxale du sommeil, malgré l'absence de mouvements et de recherche d'informations. Pour J. WINSON, le circuit néocortex-hippocampe, étant à nouveau soumis au rythme thêta, pourrait remanier durablement la mémoire (une expérience astucieuse décrite dans l'article de Pour la Science (33) semble le démontrer chez le rat). Malgré le fait que ce rythme soit difficile à mettre en évidence chez les primates, et en particulier chez l'homme, WINSON suppose que ce même phénomène existe chez nous et est, au moins en partie, responsable des rêves.
Les Récepteurs NMDA:
Les recepteurs NMDA, que l'on trouve dans la membrane des dendrites des cellules granulaires et des cellules du CA1 de l'hippocampe et de certains neurones du néocortex, sont ainsi nommés car ils fixent un acide aminé artificiel, le N Methyl D Aspartate, ce qui permet de les caractériser. C'est à leur niveau que se situe la potentialisation à long terme Leur ligand physiologique est le glutamate, qui est un acide aminé neurotransmetteur rapide. Cette caractéristique, qui permet une transmission et un traitement rapides des influx sensoriels, est malheureusement contrebalancée par ce qu'on appelle l'excitotoxicité: dans le cas où le glutamate est libéré en trop grande quantité (ce qui arrive en cas d'anoxie) il devient toxique et entraine la mort du neurone où il est libéré.

******

Après cet interlude un peu aride, nous allons voir que certaines expériences, phénoménologiquement proches des ENO, peuvent être provoqués par certains produits pharmaceutiques ou par des perturbations physiologiques:
La kétamine est un anesthésique dissociatif. Il provoque une diminution d'activité au niveau du néocortex et des structures sous corticales, et une augmentation de celle ci au niveau du système limbique et de la substance réticulée : le patient est déconnecté sur le plan sensoriel (donc en particulier des stimuli douloureux) mais non réellement endormi. L'effet dépend bien entendu du mode d'administration (IM ou IV) et de la dose. La kétamine agit en particulier au niveau du néocortex, du thalamus et de l'hippocampe en se fixant sur les recepteurs NMDA. Selon la dose administrée, la conscience et la mémorisation persistent, alors que les perceptions sensorielles sont progressivement déconnectées.
Ses effets semblent en faire un bon modèle expérimental pour l'étude des ENO : dans une expérimentation (3) portant sur deux groupes, l'un recevant 40 à 6O mg de kétamine IV, l'autre un mélange 50/50 de protoxyde d'azote et d'oxygène, dans le but d'induire une analgésie somatique sans sommeil, on trouve:
-Dans le groupe 1, comportant 11 patients ayant reçu de la kétamine :
* -10 ont eu la sensation de flotter dans l'espace
* -9 ont senti leur esprit ou leur conscience quitter leur corps
* -4 ont vu des formes colorées ou blanches tout en ayant les yeux fermés
* -3 ont pu regarder en bas et voir leu r corps sur le chariot et purent noter le moment exact où leur conscience a regagné leur corps
* -1 se sentit devenir une boite parmi d'autres empilées..
* -2 ont eu l'expérience de leur conscience se déplaçant très rapidement dans une direction à travers un espace vide, avec absence totale de concepts de temps et de lumière ;
-Pour les 10 ayant reçu N2O + O2 :
* -1O ont eu une distorsion de la per ception corporelle
* -5 la sensation de flotter en montant
* -2 ont souffert de claustrophobie intense
* -2 ont eu des vertiges
* -4 ont eu des pertubations de l'audition.

L'auteur (M. COLLIER) compare les descriptions faites par les patients avec ce qui est expérimenté lors d'expériences d'isolation sensorielle (LILLY, HEBB)
La kétamine a été utilisée en psychiatrie (13) comme agent pharmacologique susceptible d'entrainer une abréaction (définie comme une réaction d'extériorisation par laquelle un sujet se libère d'un refoulement affectif). Les doses utilisées étaient infra anesthésiques, pour la plupart de 0.4 à 0.6 mg/Kg. Les patients traités (100) présentaient diverses pathologies (névroses d'angoisse, névrose obsessionnelle compulsive, syndromes dépressifs, etc..).
L'effet recherché était considéré comme présent si les patients présentaient: 1/excitation; 2/décharges émotionnelles; 3/ verbalisation d'un conflit; 4/phénomènes d'émergence. En cas d'absence de réponse spontanée, l'effet abréactif était induit par stimulation verbale de la part du psychiatre présent. L'effet semble avoir été un retour à la conscience de souvenirs, en particulier ceux d'évènements ayant mené à l'apparition de troubles psychiatriques.. Six mois après l'expérience, 91 patients étaient jugés guéris.
Voici quelques exemples de ce qu'ont rapporté les patients:
" j'étais dans un monde différent, et par des retours en arrière j'ai vu de façon très vivante les évènements qui m'ont amené à être malade"
.. "je parlais avec la Sainte Famille"
.. "je me déplaçais partout et je voyais tout"< br>.. "je marchais dans un endroit infini et je voyais ma vie se dérouler devant mes yeux" .. "je volais, en poursuivant ma propre vie"..

Dans les années 50, L.T. MEDUNA (17) a tenté le traitement de divers troubles neuropsychiques par l'administration d'un mélange comportant 70% O2 et 30% CO2 à des sujets volontaires. Il a ainsi provoqué l'apparition d'expériences dont certains points (sensation de sortie du corps, vision d'une lumière brillante, ineffabilité de l'expérience, etc.) ressemblent à ce qui est vécu lors d'une NDE, mais accompagnées d'importants troubles neurologiques et d'hallucinations désagréables.

Il semble aussi que des perturbations fonctionnelles expérimentales des lobes temporaux soient à l'origine de phénomènes intéressants, dont voici un exemple:

Neurochirurgien exerçant à Montréal, WILDER PENFIELD a décrit dans les années 5O les résultats d'expérimentations consistant à stimuler électriquement différentes zones des lobes temporaux lors d'intervention pour épilepsie temporale (24,25) . Les patients, n'étant pas endormis pouvaient ainsi décrire leurs perceptions. Les zones amenant les réponses les plus intéressantes se trouvaient, à droite et à gauche, au niveau des faces latérales et supérieures des lobes temporaux. Les phénomènes décrits étaient des réponses motrices, des illusions sensorielles ou somatiques, des sensations de vertige, l'impression de quitter son corps, mais aussi des phénomènes beaucoup plus complexes, comme des rappels de pans entiers de souvenirs, sensations de déjà vu, audition de morceaux de musique, reviviscence de certains moments de la vie, etc.
Notons un exemple cité dans l'article de PENFIELD, concernant l'impression de sortie du corps : la stimulation portait sur un point situé à 2 cm à l'intérieur de la scissure de Sylvius, donc de la face supérieure du lobe temporal. Cette stimulation provoqua une perception de doux-amer sur la langue du patient . La stimulation fut coupée, et sur l'électrocorticogramme apparut un rythme lent à 4hz généralisé (post décharge). C'est à ce moment que le patient s'exclama : "mon dieu, je sors de mon corps". Quand l'électrocortigramme revint à la normale, cette sensation disparut. PENFIED émettait déjà l'hypothèse que les stimulations superficielles du lobe temporal pouvaient en fait agir sur une zone plus profonde qui lui était directement liée, et responsable en particulier du stockage des souvenirs. L'hippocampe était pour lui un bon candidat.
On a trouvé depuis des connections monosynaptiques puissantes entre le cortex temporal et les structures limbiques , en particulier avec l'hippocampe.
Une hypothèse intéressante:
Un auteur Néo-Zélandais, K.L.R JANSEN propose (11) une hypothèse basée sur le fait que la Kétamine agit en bloquant les récepteurs NMDA, en particulier au niveau de l'hippocampe, faisant ainsi obstacle au phénomène de Potentialisation à Long Terme, ce qui équivaudrait en fait à fermer le canal d'accès des informations sensorielles.
L'auteur suppose que celles ci sont alors remplacées par des souvenirs qui viennent occuper le devant de la scène. La découverte de ligands endogènes (3) pour ces mêmes récepteurs apporte de l'eau au moulin de cette hypothèse: ces ligands, appelés a et b endopsychosines, seraient susceptibles d'être libérés en cas d'anoxie, dans le but de bloquer l'accès du glutamate aux récepteurs NMDA et d'empêcher ainsi la mort du neurone cible par excitotoxicité. Le résultat serait à ce moment là similaire à ce que l'on retrouve sous kétamine, expliquant ainsi, au moins, les phénomènes de mémoire panoramique et la revue de vie que l'on retrouve au début de bien des NDE.
Avant d'aller plus loin, une mise au point s'impose. Nous touchons, dans cette recherche, au domaine spirituel, qui est bien au delà des mots, au delà aussi de l'expérience commune. Il n'est pas question ici de comparer, ni surtout de chercher à expliquer un domaine où l'expérience ne peut être qu'intime, non partageable et bien au delà des possibilités humaines d'analyse et de compréhension.
La seule chose que nous puissions faire pour l'instant est d'essayer d'"attraper " un indice solide, et de "tirer dessus", pour voir ce qui vient avec...
Cet indice me semble résider dans les divers facteurs pouvant être à l'origine du déclenchement de ces expériences, et si l'on peut en dégager un substat neuro- et psychophysiologique commun, il deviendra peut-être possible de mettre en route une recherche objective, et non plus uniquement phénoménologique et spéculative.
Interprétation:
Nous avons vu que pour J. WINSON, le sommeil paradoxal serait, chez l'homme comme chez l'animal, lié à un processus de retraitement de l'information reçue en état de veille et à un remaniement de la mémoire, par l'application d'un rythme thêta à l'hippocampe durant le sommeil.
Ce rythme, dont il a été montré chez l'animal qu'il est corrélé en fréquence et en phase avec les mouvements respiratoires dans certaines circonstances, semble capable de moduler le traitement de l'information et de la mémoire, aussi bien durant la veille qu'au cours du sommeil. Des perturbations induites par des moyens pharmacologiques ou autres (kétamine, hypercapnie, stimulations électriques) ayant pour cible les mêmes formations (en particulier l'hippocampe) semblent susceptibles de provoquer des effets identiques.
Il me semble que ce fait pourrait tout d'abord apporter une explication élégante à l'effet cathartique que l'on retrouve aussi bien avec la kétamine que dans les états modifiés de conscience provoqués par l'utilisation de diverses techniques respiratoires ou autres, ainsi qu'à la suite d'expériences de mort imminente. En effet, en admettant que l'un des facteurs du remaniement mémoriel, durant le sommeil, soit l'apparition d'un rythme thêta appliqué au circuit néocortex-hippocampe, un rythme thêta "artificiel", provoqué par un rythme respiratoire particulier ou des mouvements impliquant une stimulation labyrinthique appliqué durant l'état de veille à ce même circuit pourrait être susceptible, dans certaines conditions, de reproduire ce fonctionnement. On peut alors comprendre l'afflux de souvenirs qui surgit dans certaines expériences.
Si une autre caractéristique du sommeil paradoxal, la déconnection sensorielle et motrice, est aussi reproduite, on retrouve toutes les conditions qui semblent être à la base de bon nombre d'ENO..
L'hippocampe est une structure archaïque du cerveau qui jouait autrefois un rôle capital dans l'odorat . Ce rôle est maintenant dévolu à l'aire entorhinale, qui reçoit et traite aussi les influx intéroceptifs (16) ), mais il est possible que les circuits qui modulent son fonctionnement puissent persister chez l'homme.
Nous avons vu que les influx provenant des aires sensorielles primaires et associatives parviennent à l'hippocampe par le cortex entorhinal, qui, conservant une liaison directe avec l'olfaction pourrait voir son fonctionnement modulé par un rythme respiratoire particulier. Si l'on considère comme plausible l'hypothèse que le rythme thêta soit, en fait, au niveau olfactif, l'équivalent de la réaction d'orientation thalamique pour les autres sens, il devient tout à fait compréhensible qu'un rythme respiratoire volontairement modifié puisse "leurrer" certains circuits, et donner la priorité aux informations olfactives et intéroceptives, inhibant par là même la transmission des autres informations sensorielles (voir la relation de l'expérience de Hiroshi Motoyama, qui se plaint d'une sensibilité olfactive exagérée..). Mais nous ne sommes pas une espèce particulièrement "olfactive", et si de plus il n'y a pas d'odeur particulière à percevoir, ceci pourrait se traduire en fait, dans la plupart des cas, par une focalisation de la conscience sur..rien! , et donc par une déconnection sensorielle.
Le fait que la plupart des techniques employées dans les traditions que nous avons vues impliquent une maitrise du souffle ou une stimulation labyrinthique (rotation chez les derviches tourneurs, danse dans beaucoup de techniques chamaniques) qui semble elle aussi susceptible de déclencher des bouffées de rythme thêta hippocampique, laissent penser qu'il en est bien ainsi. Il est en fait probable que toute altération volontaire du rythme respiratoire puisse avoir un effet plus ou moins prononcé sur le traitement de l'information au niveau cérébral.
On peut déduire de tout ceci une première hypothèse : les NDE font partie d'un vaste ensemble d'expériences que j'ai appelé ENO, qui ont toutes pour point de départ une déconnection sensorielle. Le fait qu'on retrouve un détachement émotionnel (en particulier dans les NDE) semble impliquer une déconnection, aussi, de certaines parties du système limbique et corrobore cette hypothèse. Hormis le cas de l'isolation sensorielle où c'est l'environnement qui ne procure aucun stimulus, il semble que tous les mécanismes que nous avons vu puissent concerner le traitement de l'information au niveau de l'hippocampe et des stuctures qui lui sont reliées. Cette déconnection pourrait être, durant les NDE, due à une libération de substances neuroprotectrices bloquant les récepteurs NMDA (ainsi que le suppose Jansen, qui y voit une explication à la "revue de vie" survenant au début des NDE), alors que le déclenchement volontaire d'expériences similaires par des exercices respiratoires pourrait être du à un blocage progressif des influx au niveau de l'hippocampe, permis par la persistance de voies archaïques de modulation des perceptions à ce niveau.
Cette perturbation peut être identique dans les "Fear Death Experiences" où l'on peut faire un parallèle avec la SIA (Stress Induced Antinociception) consistant en une réponse diminuée aux stimuli douloureux en cas de stress. Celle-ci passe par une perturbation des voies sérotoninergiques (2,31) . Dans la mesure où de nombreuses voies afférentes de l'hippocampe sont sérotoninergiques (Melvin MORSE propose à ce sujet une hypothèse (20) concernant les NDE), il est possible que l'analgésie dans la S.I.A. soit produite par une modulation au niveau de cette zone, qui puisse parfois être suffisante pour provoquer une déconnection complète, induisant donc l'équivalent d'une NDE.
Dans les expériences portant sur l'hypercapnie , l'augmentation du taux de CO2 pourrait être interprété comme annonciatrice d'une anoxie, provoquant de même la libération de substances neuroprotectrices, le CO2 étant responsable de phénomènes annexes provoquant la distorsion et le caractère désagréable des perceptions, peut être par le biais d'une hyperexcitabilité au niveau du lobe temporal.
Pour les expériences mettant en jeu la kétamine : action à peu près similaire à celle des endopsychosines, induisant au minimum un afflux de souvenirs, et pour une dose suffisante une déconnection plus complète provoquant OBE, etc...
Pour les expériences de PENFIELD : La sensation déclenchée par la stimulation du lobe temporal étant gustative, il est possible qu'une zone du cortex entorhinal (lobe piriforme) ait été stimulée indirectement. L'OBE décrite est survenue après la cessation de la stimulation, alors que se produisait un phénomène de synchronisation aux alentours de 4hz, qui peut avoir perturbé l'hippocampe en mimant un rythme thêta, à moins que le rythme enregistré ait été lui même une post décharge hippocampique ayant diffusé au lobe temporal ).
En ce qui concerne les expériences vécues durant des exercices de méditation pure, le lien entre le rythme thêta hippocampique et le rythme thêta cortical, hormis une identité de fréquence, n'est pas clair. Cependant, les enregistrement EEG (31) de yogis expérimentés ont montré durant la méditation une apparition de rythmes lents, d'abord alpha puis thêta, devenant prépondérants. Une étude de PALMER (22) , en 1979, a montré que sur 20 sujets, les 3 qui avaient eu les OBE les plus vivantes avaient plus de 30% d'ondes thêta dans leur EEG, impliquant pour le moins une certaine déconnection de l'environnement.

*******

Il est donc possible de trouver un lien purement neurophysiologique pouvant rendre compte du déclenchement des ENO, lien concernant essentiellement une formation clé, l'hippocampe. Peut on aller plus loin? L'hypothèse que je propose, selon laquelle l'hippocampe pourrait voir son fonctionnement modifié par des facteurs extérieurs semble permettre, sinon d'expliquer, du moins de proposer une interprétation à certains des phénomènes collatéraux décrits dans la tradition et confirmés par les témoignages d'expériences contemporaines.
On retrouve dans toutes les narrations d'expériences de ce type une cohorte de sensations diverses, déja décrites sous le nom de physio-kundalini. Si ces phénomènes semblent, dans ce contexte, relever du seul mysticisme, il n'en demeure pas moins qu'ils ont une réalité pour ceux qui les ont vécus. La question qui se pose alors est la suivante: de quoi sont-ils le reflet?
Pour analyser celà, voyons quelques prémisses: L'éveil de Kundalini est dit permettre une évolution, une transcendance de la condition humaine habituelle. Il doit donc être corrélé à des changements réels, sur le plan physiologique aussi bien que psychologique
On sait que certaines techniques comme le biofeedback (8) sont susceptibles de provoquer des modifications durables de fonctions végétatives, donc normalement hors du contrôle de la volonté. La plasticité du système nerveux est suffisante pour permettre d'envisager que la façon dont nous fonctionnons ne soit pas figée ou soumise à des règles strictes, mais puisse être modifiée , soit involontairement dans les mécanismes d'adaptation, soit plus ou moins volontairement par le biais de certaines techniques.
Si les phénomènes de physio-kundalini, qui se produisent de façon sporadique et semblent correspondre, dans la tradition, à la progression d'un travail, touchent apparemment tous les systèmes cérébraux, il semble y avoir, au cours de l'expérience qui représente la culmination de ces phénomènes une véritable explosion , une saturation de tous les canaux de transmission se traduisant par des synesthésies: "avec un rugissement (auditif).. je sentis (somesthésique) un flot de lumière (visuel) liquide (tactile) envahissant mon cerveau par la colonne vertébrale...L'illumination se fit de plus en plus éclatante, le rugissement plus fort, j'eus une sensation d'oscillation, d'ébranlement (équilibre), et tout à coup je me sentis glisser hors de mon corps..." On peut interpréter celà comme le résultat d'une excitation corticale généralisée, mais ne pourrait-il pas s'agir, plutôt, d'un phénomène particulier que chaque sens traduirait à sa façon? Un examen superficiel de ces perceptions peut bien entendu donner à penser qu'il s'agit de troubles cérébraux pathologiques. Certaines personnes présentant ces symptômes ont d'ailleurs, un peu vite, été classés et traités comme psychotiques. G.Krishna et L.Sannella estiment tous deux qu'environ 30% des malades étiquetés comme psychotiques ou schizophrènes sont en fait victimes d'un "éveil" pathologique.
G.Krishna cite en exemple les personnages appelés Avahoots en Inde et Mastanas en Perse, qui combinent dons extraordinaires de clairvoyance, schizophrénie et psychose maniaco- dépressive à des degrés divers. La place manque ici pour s'étendre sur les rapports entre la folie et la transcendance (en faisant simplement remarquer qu'un système, quel qu'il soit, est d'autant plus susceptible d'évoluer qu'il est loin de son point d'équilibre, et qu'il n'y a pas de raison que le cerveau échappe à cette règle...), mais on peut remarquer qu'une psychose se traduit en particulier par des troubles de l'identité et par la perte de l'estimation de la réalité, qu'on ne retrouve pas dans les expériences précitées.
Si certains symptômes font penser à l'épilepsie par leur localisation et leur déroulement, on peut préciser qu'une crise comitiale est toujours le signe d'une souffrance cérébrale, due à un foyer irritatif(traumatique, tumoral ou vasculaire). Quand la crise est généralisée, il s'agit d'un évènement dramatique de courte durée entrainant en particulier une perte de connaissance et une amnésie post-critique. Aucune pathologie de ce genre n'a été retrouvée pour expliquer ces phénomènes.
Toutes les traditions mystiques semblent rechercher une intégration des niveaux inférieurs du psychisme, par la maitrise des comportements, des instincts, des émotions et des perceptions, de la pensée .. Il est probable que cette maitrise puisse être fonctionnelle aussi bien que psychologique, au sens où le fonctionnement du système nerveux puisse changer lui aussi, dans la mesure où les structures les plus profondes et les plus archaïques (cerveau reptilien et limbique) pourraient être "maitrisées" et donc intégrées par des structures et un mode de fonctionnement supérieurs. Il semble, au vu des changements à long terme (l'altruisme et l'empathie, qui sont au premier plan, sont apparus (16) avec le développement du cortex préfrontal) que l'on trouve chez les NDErs et chez les personnes ayant vécu une expérience transcendante en général, que ce soit bien le cas.
L'hippocampe est au carrefour où se rejoignent les cortex sensoriels et associatifs (tournés vers l'extérieur), le système limbique qui, tourné à la fois vers l'extérieur et l'intérieur contribue à affecter une valeur émotionnelle aux perceptions, la mémoire, et le néocortex préfrontal qui nous confère notre humanité. Toute modification affectant cette zone pourrait donc avoir de multiples conséquences.
Plusieurs faits laissent penser que ce que nous venons de voir pourrait bien être le reflet de modifications , précisément, de son fonctionnement:
* - L'hippocampe est particulièrement riche en récepteurs NMDA, qui se retrouvent aussi au niveau du thalamus et du néocortex.
* -Ces récepteurs sont maintenant connus comme l'un des principaux facteurs de la régression synaptique (Pour La Science,N°186, p.18), qui est au centre de la plasticité cérébrale.(Comme son nom ne l'indique pas, la regression synaptique n'est pas un phénomène dégénératif. En fait, comme en sculpture, plus on veut donner de détails, plus on enlève de matière..)
* - Ils sont aussi le site de la PLT, qui peut être à l'origine de changements parfois définitifs du statut neuronal.
* -La PLT peut etre influencée, toujours par le biais des récepteurs NMDA, par des facteurs endogènes (peptides neuroprotecteurs, rythme theta), ou exogènes (kétamine), et probablement altérations volontaires du rythme respiratoire.
* -Contrairement à la plupart dez zones cérébrales qui disposent de brèves périodes de plasticité, correspondant à leur développement, l'hippocampe conserve cette qualité tout au long de la vie.
Nous allons maintenant nous livrer à quelques spéculations:
Les techniques de méditation et de visualisation dans la tradition yoguique portent sur tous les "sens": méditation ou concentration sur un son, sur une posture, sur un symbole, sur un concept, sur diverses parties du corps (en particulier en visualisant les divers chakras à leurs niveaux respectifs), etc.. Elles sont utilisées de pair avec des techniques de maitrise du rythme respiratoire, qui ont une importance primordiale dans toutes les traditions.
Nous avons vu que les influx intéroceptifs, de même que les perceptions olfactives, parviennent directement au cortex entorhinal , et il est possible que le signal de priorité donné par le rythme thêta puisse, dans certaines circonstances, les concerner aussi. S'il s'avère que certaines techniques respiratoires soient susceptibles de modifier le traitement des informations sensorielles au niveau de l'hippocampe, on peut supposer que les perceptions extéroceptives puisent être inhibées, alors que les perceptions intéroceptives, qui passent par une autre voie, seraient, dans certains cas, transmises en priorité.
Une perception accrue de phénomènes internes normalement inconscients est une condition nécessaire et suffisante pour créer une boucle de rétroaction qui va permettre d'agir en retour sur ces phénomènes, permettant de les faciliter ou de les inhiber. Les phénomènes de physio-kundalini pourraient alors résulter de la perception accrue d'informations intéroceptives (normalement inconsciente) et, pourquoi pas, du fonctionnement de certaines parties du système nerveux, qui serait interprété de diverses manières par chaque système sensoriel.
On peut supposer que les diverses techniques de concentration ou de visualisation puissent être à l'origine d'un véritable feedback permis et renforcé par l'utilisation de techniques respiratoires, créant peut être des modifications durables dans le fonctionnement de certaines parties du systême nerveux, probablement par l'intermédiaire de phénomènes responsables de la plasticité neuronale, comme la PLT et le renforcement ou la régression synaptique.
L'hippocampe ayant des connexions centrifuges avec l'hypothalamus et les autres structures impliquées dans les fonctions somatoviscerales, émotionnelles et endocrines(16) , on comprend alors qu'il puisse se produire des changements (qui d'ailleurs, d'après certains témoignages,ne sont pas toujours favorables ni très bien supportés..) tout à fait réels au niveau de toutes ces fonctions .
On trouve là,par la même occasion, une explication élégante à ce que l'on appelle la physiologie mystique (chakras avec leurs diverses fonctions, nadis qui sont les voies de communication et de circulation d'un "énergie",etc), qui semble plus une projection ou une interprétation corporelle d'un fonctionnement que d'une quelconque réalité anatomique..
Le fait que dans certaines espèces animales, le rythme thêta hippocampique soit lié à la fréquence respiratoire n'est pas, bien sûr, une preuve qu'il en soit de même chez l'homme. Cependant, l'utilisation par la plupart des traditions mystiques de modifications du rythme et de la fréquence respiratoire dans le but de provoquer des états modifiés de conscience est un fait avéré et la persistance d'un circuit archaïque permettant la modulation des perceptions et des états de conscience chez l'homme est une possibilité qui ne peut être écartée.
L'hippocampe est au carrefour entre les perceptions, la mémoire et la conscience de celles ci. Si tous les phénomènes que nous venons de voir sont susceptibles, d'une manière ou d'une autre et avec des effets divers, d'influer sur son fonctionnement, ce seront alors les rapports de la conscience avec le "monde" qui vont être modifiés.
Ce monde, nous le percevons d'habitude par l'intermédiaire des organes des sens, qui sont autant des filtres que des capteurs, et l'image, bien pâle peut être, que nous en avons est celle qu'ils nous en donnent. En fait nous fonctionnons avec une représentation du monde, et non dans une réalité totalement objective, même si elle est consensuelle.
Les hypothèses que j'ai proposé concernent certaines caractéristiques du fonctionnement cérébral qui pourraient permettre à une ENO de se produire, et éventuellement permettraient de comprendre une partie de leurs effets à long terme, mais ne prétendent en aucun cas donner une explication à l'expérience elle même. Des perceptions différentes, l'incapacité ou la difficulté à verbaliser l'expérience, les modifications profondes des notions de temps et d'espace lors des ENO laissent penser que celles ci sont perçues hors des outils corticaux de perception et de cognition habituels.
L'existence, dans de nombreux cas, d'un apport d'information théoriquement impossible à obtenir écartent l'hypothèse d'hallucinations ou de phénomènes purement neurologiques. Pour ce qui concerne les expériences de mort imminente, on trouve des témoignages tout à fait identiques survenant aussi bien sans aucun trouble physiologique (Fear Death Experiences) que chez un patient anesthésié qui fait un arret cardiaque, donc avec une combinaison d'anoxie, d'hypercapnie, plus une intoxication par des déchets métaboliques et produits anesthésiques. Ce fait oblige à se poser un certain nombre de questions, la première étant : comment peut-on vivre et mémoriser exactement la même expérience dans des conditions de fonctionnement cérébral si différentes?..
L'aspect profondément spirituel des expériences que nous étudions échappe pour l'instant à toute recherche objective, mais il existe bel et bien. J'espère avoir pu montrer qu'il est possible de jeter un pont, bien fragile peut être, entre la science et la transcendance, et que ce qui concerne cette dernière peut être abordé de façon raisonnée, sans pour autant tomber dans les travers du réductionnisme scientiste ou du mysticisme aveugle qui ne sont, peut être, que des reflets différents d'un même manque de curiosité.

*Mes remerciements au Dr Jean Pierre Jourdan de m'avoir autorisé à publier ce texte dans mon projet sur la N.D.E.

Texte intégral et Liens
http://perso.wanadoo.fr/iands-france.org/articles/neurophysio.html

BIBLIOGRAPHIE
* 1 BENTOV I.: Stalking the wild pendulum. Destiny books, 1988
* 2 CARR D.: Physiopathology of Stress Induced Limbic Lobe Dysfunction: A hypothesis for NDEs. The journal of Near Death Studies, 2, 1982.
* 3 COLLIER B.: Ketamine and the conscious mind. Anaesthesia Vol 27 N°2 April 1972.
* 4 CONTRERAS P.C., MONAHAN J.B., LANTHORN T.H., PULLAN L.M., DIMAGGIO D.A., HANDELMANN D.E., GRAY N.M., O'DONOHUE T.L.: Phencyclidine - Physiological actions, Interactions with Excitatory Amino Acids and Endogenous ligands. Molecular Neurobiology, vol 1, 1987, 191-211.
* 5 ELIADE M.: Le yoga-Immortalité et liberté. Payot 1991.
* 6 ELIADE M.: Le chamanisme et les techniques archaîques de l'extase. Payot 1992
* 7 EVANS-WENTZ W.Y : Le yoga tibétain et les doctrines secrètes. Maisonneuve. Paris 1977.
* 8 GREEN A.,GREEN E.: Beyond biofeedback. Knoll publishing Co. , Inc.1989
* 9 GARRET E.J.: Psychopharmacological parallels to mediumship. Parapsychology Foundation, N.Y.,1961.
* 10 HARRIS B., BASCOM L.C.: Full cir the NDE: Roles for the NMDA-PCP receptor, the sigma receptor and the endopsychosins. Medical Hypotheses (1990) 31, 25-29.
* 12 KATZ R.(1982): Community healing among the Kalahari KUNG. Cambridge Mass. Harvard University Press.
* 13 KORRAMZADEH E., LOFTY A.O.: The use of Ketamine in psychiatry. Psychosomatics 14: 344,1973.
* 14 KRISHNA G.: Kundalini, l'énergie évolutrice en l'homme. Courrier du livre, Paris 1978
* 15 LU TSOU : Le secret de la fleur d'or. Librairie de Médicis. Paris 1969.
* 16 Mac LEAN P., GUYOT R. : Les trois cerveaux de l'homme. Robert Laffont, Paris 1990.
* 17 MEDUNA L.T.: Carbon dioxyde therapy: a neurophysiological treatment of nervous disorders. Springfield IL. Charles C.THOMAS, 1950.
* 18 MESULAM M.: Dissociative sta tes with abnormal temporal lobe EEG. Arch. Neurol. Vol38,1981,176-181.
* 19 MICHAEL T.: Corps subtil et cor ps causal. Courrier du livre, Paris 1979.
* 20 MORSE M.L, VENECIA D.J., MILSTEIN J.: Near Death experiences, a neurophysiological explanatory model. The journal of Near Death Studies, 8, 1989.
* 21 MOTOYAMA H.: Science and the evo lution of Consciousness. Autumn press, 1978.
* 22 PALMER J.(1989): ESP and Out of Body Experiences: EEG correlates. RIP 1978.
* 23 PAVLIDES C., GREENSTEIN Y., GRUDMAN M., WINSON J.: LTP in the dentate gyrus is induced preferentially on the positive phase of theta rythm. Brain research vol 439, 383-387, 1988.
* 24 PENFIELD W.: The role of temporal cortex in certain psychical phenomena.Journal of mental science 101, 451- 465, 1955.
* 25 PENFIELD W.: The mystery of the mind. Princeton N.J.Princeton University Press 1975.
* 26 REMOND A.: Conscience,comportement et états de conscience. Conférence au CERIS, Avril 1991.
* 27 RING K.: Heading toward Omega: In search of the meaning of the Near Death Experience. Quill William Morrow, N.Y.1985.
* 28 SANNELLA L.: The Kundalini experience. Integral publishing. Lower Lake CA, 1987.
* 29 SILBURN L.: La Kundalini, L'énergie des profondeurs. Les deux océans, Paris 1983.
* 30 SNOW A.E, TUCKER S.M, DEWEY W.L.(1982): The role of neurotransmitters in stress induced antinociception. Pharmacology, Biochemistry and Behavior,16, 47-50.
* 31 TWEMLOW S.W, GABBARD G.O., JONES F.C.: L'expérience hors du corps: Phénoménologie. In R. MONROE: Fantastiques expériences de voyage astral (R. Laffont 1990).
* 32 WINSON J.:Brain and psyche: the r la science No 159, Janvier 1991

D'autres écrits et recherches de Jean-Pierre Jourdan

ASSOCIATION INTERNATIONALE POUR L'ETUDE DES ETATS PROCHES DE LA MORT
International Association for Near Death Studies

http://perso.wanadoo.fr/iands-france.org/

The International Association for Near-Death Studies
http://www.iands.org/iands/

Dossier Circonstances
http://noesis.ch/circonstances.html

A Resource Dedicated to Study of Near-Death Experiences
http://www.lazarus.ws/ndeart.html

<BACK TO WRITINGS ON THE NDE> <BACK TO THE WHEEL>